FLAUBERT Gustave (1821-1880).

Lot 68
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FLAUBERT Gustave (1821-1880).
L.A.S. « ton », Lundi soir minuit ½ [12 septembre 1853], à Louise COLET ; 4 pages in-4. Très belle lettre sur l'écriture de Madame Bovary. « La tête me tourne d'embêtement - de découragement - de fatigue ! J'ai passé 4 heures sans pouvoir faire une phrase. Je n'ai pas aujourd'hui écrit une ligne, ou plutôt j'en ai bien griffonné cent ! quel atroce travail ! quel ennui ! Oh ! l'art ! l'art ! Qu'est-ce donc que cette chimère enragée qui nous mord le cœur. - Et pourquoi ? Cela est fou de se donner tant de mal ! Ah ! la Bovary, il m'en souviendra ! J'éprouve maintenant comme si j'avais des lames de canif sous les ongles - et j'ai envie de grincer des dents. Est-ce bête ! Voilà donc où mène ce doux passe-temps de la Littérature, cette crème fouettée. Ce à quoi je me heurte c'est à des situations communes et un dialogue trivial. Bien écrire le médiocre et faire qu'il garde en même temps son aspect, sa coupe, ses mots même, cela est vraiment diabolique. - Et je vois se défiler maintenant devant moi de ces gentillesses en perspective pendant 30 pages au moins ! - Ça s'achète cher le style ! Je recommence ce que j'ai fait l'autre semaine. - Deux ou trois effets ont été jugés hier par B. [Bouilhet] ratés et avec raison. -Il faut que je redémolisse presque toutes mes phrases »... Puis il évoque un projet de voyage en amoureux à Gisors : « Nous passerions notre journée en chemin de fer & en diligence. [....] & cela pr se voir deux heures - non ! non ! - dans six semaines, à Mantes, nous serons seuls & plus longtemps [...] ça ne vaut pas la peine de se voir pr n'avoir que la peine de se dire adieu. Je sais ce que les dérangements me coûtent. Mon impuissance maintenant me vient de Trouville. Quinze jours avant de m'absenter ça me trouble. - Il faut à toute force que je me réchauffe et que ça marche ! - ou que j'en crève - je suis humilié nom de Dieu - & humilié par devers moi de la rétivité de ma plume. - Il faut la gouverner comme les mauvais chevaux qui refusent. - On les serre de toute sa force à les étouffer- & ils cèdent ». Puis il évoque la mort de son oncle « le père Parain », s'inquiétant pour la santé de sa mère qui doit partir pour Nogent. Il s'attendait à cette nouvelle : « Elle me fera plus de peine, plus tard. Je me connais. Il faut que les choses s'incrustent en moi. - Elle a seulement ajouté à la prodigieuse irritabilité que j'ai maintenant. - Et que je ferais bien de calmer, du reste, car elle me déborde qqfois. Mais [c'est] cette rosse de Bovary qui en est cause. Ce sujet bourgeois me dégoûte - & il me faut une masturbation opiniâtre pour y bander »... Il a lu le 6e volume de l'Histoire de la Révolution de MICHELET : « Il y a des jets exquis de g[ran]ds mots - des choses justes - presque toutes sont neuves. Mais point de plan. Point d'art. Ce n'est pas clair c'est encore moins calme - & le calme est le caractère de la beauté, comme la sérénité l'est de l'innocence de la Vertu. Le repos est attitude de Dieu. - Quelle curieuse époque ! quelle curieuse époque ! comme le grotesque y est fondu au terrible ! Je le répète c'est là que le Shakespeare de l'avenir pourra puiser à seaux. Y a-t-il rien de plus énorme que ceci, du citoyen Roland. Avant de se tuer il avait écrit ce billet que l'on trouva sur lui : “Respectez le corps d'un homme vertueux !” - Adieu. Il est tard. Je n'ai pas de feu j'ai froid Je me presse contre toi pr me réchauffer. Mille baisers »... Correspondance (Pléiade), t. II, p. 428
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