Jean-Paul SARTRE (1905-1980)

L.A.S., [1928 ?], à Suzanne GUILLE, puis à Pierre GUILLE ; 20 pages et quart In-12. CONSEILS POUR UNE DISSERTATION DE PHILOSOPHIE, A LA SOEUR DE SON CONDISCIPLE A L'ÉCOLE NORMALE SUPERIEURE. "Voici quelques trucs pour le devoir. Je pars de la supposition que le texte est "on ne croit que ce que". A) Il vaudrait mieux chercher d'abord la direction philosophique qu'implique une semblable pensée cad quels sont les bougres qui ont pu penser cela. Or on peut voir facilement qu'elle délimite soigneusement (elle = cette pensée) le domaine de la croyance. Les choses de croyance sont des choses morales"... Et de suggérer à l'élève des réflexions sur la croyance, la théorie fidéiste, Malebranche, Kant, l'individu et la société, etc. Et de résumer : "Tout ce qui est écrit ci dessus n'est pas ma véritable pensée. Ce n'est pas non plus la pensée de quiconque à ma connaissance. Ce sont des pensées faibles, obscures, bâtardes et sans beauté, nées de votre sujet de dissertation, comme on voit naître du thème d'un rêve une foule d'imaginations grotesques. Toutefois leur pénombre même leur donne cette neutralité qu'aiment les professeurs de philosophie, amis du sommeil. Il faut penser de la sorte pour être reçue au baccalauréat, pour être reçue à l'agrégation. J'aurai du moins, toute cette année, la consolation de me dire que vous pensez, par force, comme moi. Je vous prie donc de ne pas me juger sur ces grands mots "d'humanité" de "société" et de "morale" qu'il faut toujours laisser traîner dans une dissertation, mais, bien plutôt, de croire que vous avez demandé à ARON - non à Er - son aide. Si vous vous pénétrez de cette idée, vous aurez plus de confiance, étant ainsi aidée par un agrégé, un professeur, un militaire - vous ne serez pas très éloignée de la vérité, car Aron écrit mieux mais pense de la sorte - et j'y trouverai mon compte"... Il ajoute pour son "petit camarade" une mise au net du plan "pour ta petite soeur" ...