RICTUS Jehan (1867-1933).

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RICTUS Jehan (1867-1933).
76 L.A.S. « Gabriel Randon » et/ou « Jehan Rictus », 1898-1904, à Léon BLOY ; environ 250 pages, la plupart in-8, 6 enveloppes (2 annotées par Bloy), adresses au dos de 17 cartes (2 télégrammes et une coupure de presse joints). Remarquable correspondance de l’auteur des Soliloques du Pauvre au Mendiant ingrat. Les personnalités de Léon Bloy et Jehan Rictus semblent à première vue assez éloignées l’une de l’autre. De son vrai nom Gabriel Randon, Jehan Rictus (1867- 1933) se fit connaître avec son recueil de poèmes Les Soliloques du Pauvre (1897) dans lequel il utilisait abondamment l’argot. Mais une même expérience de la misère, une commune détestation du Bourgeois et une pitié partagée pour le sort des Humbles les rapprochaient. Ces deux caractères violents ont entretenu une correspondance d’une grande intensité, et haute en couleurs, jusqu’à la rupture. En 1903, Bloy a consacré à Rictus un long article, « Le dernier poète catholique », repris à la fin des Dernières Colonnes de l’Église, le considérant comme un « poète catholique sans le savoir ». Les relations commencent en mai 1898, lorsque Bloy adresse à Rictus son Mendiant ingrat, que le poète commente ainsi (19 mai) : « Je me sens dans la situation d’un homme qui aurait reçu accidentellement un coup d’omnibus dans l’estomac et qui se félicite de ne pas avoir été totalement défoncé puis écrabouillé » ; et il dit « l’admiration hélas ! platonique pour l’Écrivain et l’Artiste que vous êtes ». Dans sa deuxième et longue (8 pages) lettre (20 mai), Rictus justifie sa langue : « Le patois parisien, plutôt que l’argot, est ma source d’images prodigieuse ; la plupart de ses expressions, ordinairement concises, renferme un sens ésotérique et éternel que, me semble-t-il, personne n’a vu – et je suis encore stupéfait qu’aucun écrivain ne se soit servi de cette source poétique si riche, si douloureuse, si énergique aussi. […] j’ai fait ce rêve d’essayer d’affranchir les Énergies inconnues que l’Ordre Bourgeois émascule et tue dans l’œuf. Tant pis si j’échoue ».. Il confesse les difficultés de son existence, comparables à celles de Bloy : « Mon enfance livrée à une mégère a été abominable, mon adolescence pire. J’ai couché dehors à Paris en hiver près de six mois. J’ai fait divers métiers, car malgré tout j’ai été toujours nerveux et singulièrement résistant. [...] Pour endormir mes douleurs de boyaux verdissants j’avalais de temps à autre du laudanum dans de l’eau ». Mais il vit cette dèche « seul volontairement n’ayant jamais osé associer une Femme à une pareille destinée, je n’ai guère que ma peau à sauver »… Léon Bloy invita le lendemain le poète à dîner, en précisant toutefois qu’on respectait chez lui les usages catholiques. La réponse de Rictus (22 mai) est sans ambiguïté : « Je vous remercie de me poser loyalement vos conditions avant de vous rendre visite et de dîner à votre table. À mon tour, non moins loyalement, je vous répondrai que je n’y souscris pas. J’aurais honte de tricher et ce serait indigne de moi de faire semblant pour le plaisir de m’asseoir à votre foyer. J’espère en agissant comme je le fais vous prouver mon respect pour votre Croyance et pour vous. […] croyez bien que moi-même suis loin d’être environné de poux malgré ce que j’ai écrit, et que je porte ordinairement du linge blanc ». Et il signe « Comte Gabriel Randon de Saint Amand, baron d’Andruze (Jehan Rictus) ». Après cette lettre, les deux hommes restent deux ans sans s’écrire, Bloy étant parti au Danemark. Mais, quand Bloy adresse à Rictus Le Fils de Louis XVI les relations reprennent (3 août 1900). Il partage la détestation de ZOLA, à propos du Je m’accuse de Bloy (2 octobre 1900) : « Je déteste avec vous depuis bien longtemps l’écœurant Piémontais mal gratté qui en effet a tué, ou à peu près, la langue française et la saveur pittoresque de son génie ».. La franchise qui caractérise Bloy comme Rictus, donne lieu à de vifs échanges, comme cette lettre de 18 pages (4 octobre 1900) dans laquelle Rictus, en réponse aux critiques de Bloy, défend son esthétique, et l’utilisation de l’argot, citant Rabelais, Balzac et Tolstoï : « Qu’est-ce que ça peut faire qu’un vocable ou une expression ne soit pas parlementaire, classique, noble ou de bonne compagnie, si cela exprime une souffrance tellement vraie, tellement sincère qu’elle vous en tord les boyaux. Or c’est là ce que je cherche. Exprimer, émouvoir. Croyez-vous que la langue littéraire adoptée ne soit pas également un jargon ? Et puis où s’arrête la limite du bon et du mauvais français. Qui l’a fixée ? La langue est-elle fixée ? J’estime par exemple que le français de Brantôme ou de Montaigne est plus pittoresque, franc et savoureux que le français de Racine. […] je ne cherche pas autre chose que de provoquer l’horreur et la terreur. Alors ici mon but est atteint et il est important que les Bourgeois se doutassent des douleurs qu’ils causent, des crimes que leur égoïsme étouffe, du sort épouvantable qu’ils font aux Inconnus qu’
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