BERLIOZ Hector (1803-1869).

Lot 207
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BERLIOZ Hector (1803-1869).
L.A.S. « Hector Berlioz » (minute), [La Côte Saint-André mi-juillet 1824], à Jean-François LESUEUR ; 2 pages in-fol. avec nombreuses ratures et corrections. Magnifique brouillon du jeune Berlioz à son maître Lesueur, lui disant son admiration et sa reconnaissance, et parlant de ses premières œuvres. [Le compositeur Jean-François LESUEUR (1760-1837) était, comme l'indique Berlioz en tête de son brouillon, « membre de l'Institut », « Surintendant de la chapelle du roi » et professeur au Conservatoire. Au début de 1823, Berlioz avait été admis parmi les élèves particuliers de Lesueur, contre l'avis de sa mère, opposée à sa vocation musicale. Revenu en 1824 pour les vacances d'été dans sa ville natale, Berlioz dut repartir en cachette le 25 juillet pour Paris, où il allait composer sa Messe solennelle, qui sera créée à Saint-Roch le 25 juillet 1825. Outre cette Messe, il évoque dans cette lettre son oratorio (perdu) Le Passage de la Mer Rouge, qui sont parmi ses toutes premières compositions.] « Depuis longtemps j'étais tourmenté du désir de vous écrire et je n'osais le faire, retenu par une multitude de considérations qui me paraissent à présent toutes plus ridicules les unes que les autres; je craignais de vous importuner par mes lettres, et que le désir de vous en adresser, ne vous parut avoir sa source dans l'amour-propre qu'un jeune homme doit naturellement ressentir, en correspondant avec l'un de ces hommes célèbres et rares qui étonnent leurs compatriotes autant qu'ils honorent leur pays par leur Génie et leurs connaissances. Mais je me suis dit : cet homme rare auquel je brule d'écrire trouvera peut-être mes lettres moins importunes, si l'art sur lequel il répand tant d'éclat en est la matière. Ce grand musicien a bien voulu me permettre de suivre ses leçons, et si jamais [les élèves ont été en quelque sorte les enfans de leur maître biffé] la patience excessive et les bontés d'un maître, la reconnaissance. et (j'ose le dire) l'amour filial de ses élèves lui ont acquis sur eux le titre de Père, je suis du nombre de ses enfans. J'ai été reçu de ma famille comme je m'y attendais, c'est-à-dire avec beaucoup d'empressement ; je n'ai point eu à essuyer de la part de ma mère de ces malheureuses et inutiles remontrances qui ne faisoient que nous chagriner l'un et l'autre ; cependant papa m'a recommandé par précaution de ne jamais parler de musique devant elle. J'en cause, au contraire, très souvent avec lui. Je lui ai fait part des curieuses découvertes que vous avez bien voulu me montrer, dans votre ouvrage sur la musique antique ; je ne pouvais pas venir à bout de lui persuader que les anciens connussent l'harmonie il étoit tout plein des idées de Rousseau et des autres écrivains qui ont accrédité l'opinion contraire ; mais quand je lui ai cité le passage latin qui est je crois de Pline l'ancien, dans lequel il y a des détails sur la manière d'accompagner les voix et sur la facilité que l'orchestre peut avoir à peindre les passions par le moyen des rithmes différens de celui de la vocale, il est tombé des nues et m'a avoué qu'il n'y avoit rien à répliquer à une pareille explication. Cependant, m'a-t-il dit, je voudrois avoir l'ouvrage entre les mains pour être convaincu. Je n'ai encore rien fait depuis que je suis ici, d'abord je n'ai pas été maître de mon temps, pendant les premières semaines les visites à recevoir et les visites à rendre, dans une petite ville où tout le monde se connaît, me l'absorboient presqu'en entier ; puis quand j'ai voulu me mettre à cette messe dont je vous avois parlé, je suis demeuré si froid, si glacé en lisant le Credo et le Kirie, que bien convaincu que je ne pourrai jamais rien faire de supportable dans une pareille disposition d'esprit, j'y ai renoncé. Je me suis mis à retoucher cet oratorio du Passage de la mer Rouge que je vous avois montré il y a sept ou huit mois et que je trouve à présent terriblement barbouillé dans certains endroits. J'espère pouvoir le faire exécuter à St Roch à mon retour ; qui aura lieu je crois avant les premiers jours d'août. En attendant que j'aie le plaisir de vous revoir, Monsieur, mon père me charge d'être l'interprète de ses sentimens auprès de vous et de vous témoigner toute sa reconnaissance pour les soins que vous m'avez prodigués ; vous ne doutez pas, Monsieur, que j'en sois pénétré moi-même, veuillez en recevoir l'assurance avec mes salutations respectueuses. Votre dévoué serviteur et élève »... Provenance : collection Auguste Chapot, puis Alfred Dupont. (I, 11-12..1956, n° 18). Correspondance générale, tome I, n° 26.
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